La nuée

On ne s'en rend pas encore bien compte mais il existe de plus en plus de farines faites à partir de protéines d'insectes. Les gens qui la fabriquent possèdent des milliers de petites bestioles qu'ils élèvent dans ce seul but. On appelle cela l'entomoculture. En 2020, Just Philippot a sortit cette profession de l'ombre de fort belle manière en réalisant le film La Nuée.

Nous faisons la connaissance de Virginie (Suliane Brahim). Cette veuve élève seule ses deux enfants Laura (Marie Narbonne) et Gaston (Raphael Romand) et s'efforce de maintenir à flot son élevage de sauterelles, unique ressource de la famille. Malheureusement, ses finances sont au plus bas. Sa production est en berne, ses animaux pondent moins d'oeufs sans savoir pourquoi et elle se retrouve obligée de vendre son stock de moins en moins cher. A ce rythme là, la faillitte la guette.

A ces difficultés économiques s'ajoutent des difficultés sociales. Beaucoup de gens ne savent pas ce qu'est l'entomoculture et méprisent cette activité. Laura souffre ainsi de moqueries à l'école. Quand à Virginie, elle a pour seul ami un agriculteur voisin nommé Karim (Sofian Khammes). C'est peu pour faire face à tant d'embûches.

Mais alors qu'elle est sur le point de tout laisser tomber, l'entomocultrice est victime d'un accident et découvre un phénomène intéressant. Ses sauterelles se reproduisent beaucoup plus lorsqu'elles se nourrissent de sang. Elle va alors changer leur régime alimentaire et les transformer en animaux carnivores.

Les résultats sont stupéfiants. Virginie agrandit à plusieurs reprises son élevage et doit donc construire de nouvelles serres. Elle sort enfin la tête de l'eau. Mais cela a un prix. Régulièrement, elle doit s'enfermer avec ses sauterelles et leur livrer en pature un de ses bras par exemple. A terme, son corps devient recouvert de cicatrices. Si une combinaison ne la protégeait pas, ses insectes seraient même capables de la manger vivante.

C'est bien entendu ce que l'on se met à craindre. D'habitude pacifiques et herbivores, les sauterelles finissent par représenter un terrible danger. On ne peut guère se défendre lorsqu'une nuée entière nous attaque. Gaston, qui en gardait quelques unes dans un petit vivarium, se voit interdit d'accès aux serres sans comprendre pourquoi. Mais de simples couches de toiles suffiront elles toujours à le protéger ?

On assiste à une belle escalade de l'horreur. Au départ, Virginie ne veut causer de mal à personne. Elle fait tout pour se débrouiller seule en commandant du sang provenant d'un abattoir par exemple. Mais lorsque les problèmes s'accumulent, elle finit par livrer le chien du voisin en pature à son élevage. Dès lors, elle ne peut plus reculer. On se demande même si elle ne va pas finir par assassiner quelqu'un.

La force de La Nuée est que ses personnages sont très bien écrits. On a vraiment à faire à de braves gens travailleurs et attachants qui s'arrachent les tripes pour s'en sortir. La performance de Suliane Brahim est sublime. Elle dégage parfaitement tout l'amour qu'éprouve Virginie pour ses enfants mais aussi pour son élevage.

En vérité, le véritable fléau de ce film n'est pas les sauterelles mais le système économique actuel. Pour tout un tas de raisons différentes, les exploitants agricoles ont de plus en plus de mal à gagner leur vie. C'est encore plus difficile pour Virginie qui se retrouve seule. Ce long métrage a donc des visées politiques.

Au final, La Nuée se révèle être une très jolie surprise. Il démontre qu'à défaut de produire des œuvres spectaculaires avec plein d'effets spéciaux, le cinéma français sait se montrer inventif. Ce long métrage s'inscrit parfaitement dans la lignée de Grave. Ne vous attendez pas à voir des bataillons de sauterelles fondre sur des gens et les dévorer en quelques minutes dans des mares de sang. Ici, l'horreur est surtout psychologique.

Note : 7/10