Lucifera Tome 1 : Les flammes de l'enfer

Dans l'imaginaire collectif, le Moyen Age est souvent vu comme l'une des pires époques qu'ait connu l'humanité. Symbolisé par ses guerres, ses famines, ses épidémies et son obscurantisme, il est sans doute la période historique qui a le plus inspiré les auteurs et artistes. Ce n'est pas Leone Frollo qui dira le contraire. En 1972, ce dessinateur italien a crée un véritable petit chef d'oeuvre dans les bandes dessinées pour adultes, Lucifera.

L'histoire commence en Thuringe sous le règne de Charlemagne. Le monde est en plein chaos et remplit de violences. Afin de remédier à cela, le docteur Faust espère concocter un philtre de bonté qui enlèvera le mal du cœur des hommes. Malheureusement, c'est un vieillard et il a peu de chances de voir son rêve se réaliser avant que Dieu ne le rappelle à lui.

Il lui vient alors une idée. Avec l'aide d'une sorcière appelée Darvulia, notre savant décide de passer un pacte avec le Diable en personne. En échange de son âme, il obtient une seconde jeunesse. Ainsi espère t-il avoir le temps et l'énergie nécessaires pour concevoir sa fabuleuse potion.

Son sacrifice est particulièrement louable. Mais évidemment lorsque l'on fait commerce avec le Malin, il faut s'attendre à des entourloupes. Pour éviter que Faust ne réalise son projet, Satan lui envoie Lucifera. Cette magnifique démone aura la mission de le séduire et de le distraire pendant des années afin de le détourner de ses études jusqu'à la mort.

Rien que cette ébauche d'intrigue nous laisse imaginer tout ce que va bien pouvoir faire Lucifera à Faust pour l'empêcher d'atteindre son but. C'est alléchant. Mais ce n'est pas tout. Une fois redevenu jeune homme, Faust fait la connaissance de la charmante Marguerite Blumenthal et en tombe amoureux. Autrement dit, en dépit de ses attouts de succube, la partie ne semble pas gagnée d'avance pour Lucifera.

Ce premier tome sert essentiellement d'introduction pour présenter le contexte et les personnages. Ceux ci sont très bien écrits. D'emblée, Faust se révèle attachant, quel que soit son age. Profondément humaniste, c'est un médecin et alchimiste de génie qui ne désire que le bien des autres. Une fois redevenu jeune, il retrouve ses pulsions sexuelles oubliées avec la vieillesse mais essaie tant bien que mal de les contrôler pour se concentrer sur ses travaux. Avec les deux bombes qui l'entourent, ça ne va pas être facile.

Marguerite et Lucifera s'opposent au premier abord. L'une est blonde et l'autre brune. La première représente le bien et l'autre le mal. Difficile de faire son choix pour l'instant. Pour aiguiller le lecteur, la démone est présentée plus souvent en tenue d'Eve. Mais rassurez vous, la belle angélique n'est pas pudique non plus.

La mise en scène est soignée et parfaitement maîtrisée. Dès les premières pages, le ton est donné puisqu'on assiste impuissant au viol d'une jeune fille vierge par deux brigands. Déshonorée, cette malheureuse se suicide presque immédiatement. Nous voilà prévenus. Sur certains aspects, la série se veut sombre.

Bien que ce titre s'intitule Lucifera, le héros de ce premier tome est Faust. C'est lui qui tient l'oeuvre sur ses épaules. La succube n'apparaît d'ailleurs qu'à la 49eme page, ce qui est tard dans un numéro qui en contient 116. Mais ne vous tourmentez pas. Au fil du temps, l'envoyée de Satan va modifier le centre de gravité de la série.

Les dessins de Frollo sont très beaux. On sent que l'auteur prend plaisir à mettre en images cette histoire. Certes, ses planches ne contiennent que deux cases chacune mais c'était la norme dans ce genre de BD populaires qui sortaient exclusivement en petits formats. A défaut de quantités de détails, on a droit à de jolis jeux d'ombres et à de nombreuses postures très charismatiques.

A première vue, Lucifera est une adaptation en bande dessinée sulfureuse du mythe de Faust, un conte allemand du 16eme siècle. Mais il sait s'en détacher pour vite se créer une identité qui lui est propre et qui fera de cette série l'une des meilleures de la légendaire maison d'édition Elvifrance.

Note : 7,5/10