11 Décembre 2022
Qui dit deux dit trois. Suite au succès de ses deux premiers tomes, Christophe Babonneau nous gratifie comme à son habitude de trois nouvelles histoires bretonnes qui sont, rappelons le, des adaptations de récits d'Anatole Le Braz.
La première intitulée La Fille à la robe rouge a pour héroïne une certaine Marie Jeanne. Issue d'une ancienne noblesse, cette pennherez (fille unique) est assurément un bon parti. Particulièrement coquette, elle séduit de nombreux hommes et jette son dévolu sur un dénommé Joseph. Leur mariage est célébré en grande pompe.
Jusque ici tout va bien. Mais 9 mois plus tard, Marie Jeanne meurt en accouchant d'un bébé. Complètement meurtrit, Joseph passe alors ses nuits seul à veiller au coin du feu. Un soir, il voit sa femme réapparaitre vêtue de la robe rouge qu'elle portait lors de ses noces. Sans se soucier de lui, elle se met à chanter et danser comme elle aimait tant puis disparaît soudainement.
Le phénomène se répète chaque nuit. Joseph décide alors de demander l'aide d'un curé qui a bien connu (et méprisé Marie Jeanne) de son vivant. Ce dernier se rend le soir venu à la maison familiale, attend le fantôme, lui adresse des remontrances et se bat même avec lui. A la surprise générale, la morte peut ainsi se faire toucher. Elle déclare ne pas croire au christianisme mais à la terre mère Gaïa. Quand au prêtre, il prétend que son âme est retenue prisonnière ici bas car trop chargée de pêchés.
On ne saurait qui croire quand soudain, Marie Jeanne se transforme en louve. Le curé déclare alors que quelqu'un doit la conduire auprès d'un de ses confrères pour la faire disparaître définitivement. Mais prudence car si l'animal se fait battre en chemin, il se métamorphosera à nouveau en belle femme prompt à corrompre la vertu des hommes.
Cette histoire contient pas moins de 26 planches, ce qui fait d'elle la plus longue de toute la série. Mais on ne peut pas dire que ce soit la mieux réussie. Le récit dérive complètement de travers, surtout à partir du moment de la transformation en bête. Les personnages ne sont pas attachants ni épais. L'apparition de Yannick, domestique de Joseph en charge de transporter la louve en laisse, est totalement superflue. On a droit à du mieux d'habitude.
Cela s'arrange un peu avec Le Laboureur et la Ménagère. A la mort d'un couple sans enfants, une vieille femme achète un manoir. Trop agée pour s'en occuper elle même, elle charge deux de ses domestiques nommés Jobic et Mona de la tâche. Pour eux, c'est l'occasion de gagner en liberté et de vivre pourquoi pas en couple.
Cependant, il y a un hic. Deux fantômes hantent les lieux. Ce sont ceux des anciens propriétaires du domaine. Consulté, le curé déclare que leur temps n'est pas encore venu de partir et qu'ils continuent donc d'entretenir les lieux comme ils l'ont toujours fait. Jobic et Mona doivent travailler avec eux tout en les ignorant. Mais n'est-ce pas trop déconcertant de labourer les champs avec un mort vivant, aussi inoffensif soit-il ?
Longue de seulement 10 pages, cette nouvelle n'en est pas moins assez sympa. Pour une fois, le ton se veut plutôt optimiste. Il se termine d'ailleurs bien avec la disparition du vieux couple et la promesse d'un futur enfant à naitre. A titre exceptionnel dans cette série, la vie supplante la mort. Rafraichissant.
Enfin, terminons avec La Bague du capitaine. Il y a de cela deux siècles, un navire étranger échoua sur les côtes du village de Buguélès recouvertes de récifs. L'accident ne fit aucun survivant. Les villageois enterrèrent les morts directement sur la plage. L'un d'entre eux retint leur attention car il portait une jolie bague au doigt.
Malgré la pauvreté et la misère ne chercha à la lui dérober jusqu'à ce que, bien des années plus tard, une jeune femme couturière nommée Mona entende parler de l'histoire. Eprise par le désir de s'en emparer, elle décide de profaner la tombe. Après bien des efforts, elle parvient à récupérer l'anneau en l'arrachant du cadavre avec ses dents.
Mais dès le lendemain, la main du mort devenue orpheline s'extraie toute seule de la plage et pointe du doigt le village. Les habitants comprennent que quelqu'un l'a volé et, craignant qu'une malédiction s'abatte sur eux, tentent de la recouvrir à plusieurs reprises. Mais hélas sans succès. Même les rochers ne peuvent empêcher la main de réapparaitre à la surface, ni les prières du curé d'ailleurs.
C'est alors que Mona, bien malade depuis son forfait, vient en plein jour devant tout le monde rendre la bague au défunt et régler ainsi le problème. Malheureusement, elle ne s'attache pas la clémence des villageois pour autant. C'est ainsi qu'elle se retrouve à passer tout le reste de sa vie exilée et méchamment édentée. Cruel destin pour une jeune femme si coquette qui ne pensait au fond pas faire grand mal.
Cette histoire est intéressante car crédible en un sens. En effet, Mona n'a pas forcément été punie par une malédiction suite à son vol. Elle peut très bien avoir été tout simplement victime d'une grave infection de la bouche due à sa morsure. On remarquera au passage Gonery et Lena, héros du récit Le linceuil de Marie Jeanne (tome 1), n'ont pas reçu pareille punition pour avoir volé eux aussi un mort.
Ainsi se termine La légende de la mort. Anatole Le Braz a sans doute laissé d'autres nouvelles mais il est bon d'arrêter là pour éviter un trop gros sentiment de répétition. Cette trilogie pour le moins lugubre laisse croire que les Bretons avaient une vie si pénible qu'ils étaient obsédés par l'au delà. On a quand même de la chance de vivre à notre époque moderne.
Note : 6,5/10