Le Roman de la Belle et la Bête

Qui ne connaît pas La Belle et la Bête ? Bien que ses origines soient assez floues, ce conte fait partie aujourd'hui intégrante de la culture populaire occidentale. Il a connu plusieurs adaptations cinématographiques dont les plus célèbres versions sont sans doute celles de Walt Disney et Jean Cocteau. En 2000, l'écrivain Bernard Simonay a décidé de produire son propre récit de cette histoire fabuleuse qui a traversé les siècles. C'est ce que nous allons voir ici.

Dans le royaume de Nériopolis vit le capitaine Hérios. Cet homme bien que doublement veuf possède en revanche plusieurs enfants qu'il chérit de tout son cœur. Mais ceux ci ne lui rendent guère son amour. Son ainé Ludovic n'est qu'un bon à rien dévoré par les jeux d'argent. Paris ne pense qu'aux femmes. Quand à Philomène et Phrygie, ce sont deux pimbêches hautaines qui n'aspirent qu'à mener la belle vie dans le luxe.

Seule Aurore se montre digne de l'amour de son père. Cette jeune fille éprouve de l'affection et de la compassion envers tous. Et sa bonté n'a d'égale que sa beauté, à tel point qu'on la surnomme La Belle dans tout le pays. Fiancée à Phoïbos le prince de Bactriane, elle semble avoir tout pour être heureuse.

Mais tout change lorsque Hérios fait naufrage, engloutissant avec lui dans les flots toute sa fortune. Rongé par les dettes, notre vieux capitaine est sur le point de perdre ses domaines et ses biens. C'est alors qu'il reçoit une singulière proposition. Le mystérieux Philippe, seigneur de l'ile de Nychorante, lui demande la main de sa fille en échange de la possibilité de racheter ses crédits.

Soucieux du bonheur de ses enfants, Hérios refuse catégoriquement. De nombreuses rumeurs circulent en effet sur cet homme. Personne n'a jamais vu son visage et on le dit magicien aussi bien que fortuné. Mais lorsque la nouvelle parvient aux oreilles d'Aurore, cette dernière décide de se sacrifier pour sauver les siens de la banqueroute.

C'est ainsi que la jeune femme embarque seule sur l'ile. Guidée par le brave intendant Arion, elle découvre des richesses incroyables et des paysages magnifiques. Séduite par la beauté des lieux, elle regrette en revanche de ne pouvoir rencontrer son mari que la nuit. En effet, ce dernier victime d'une malédiction ne supporte pas la lumière du jour et lui demande de ne jamais chercher à voir son visage. Quand bien même, il parvient malgré tout à séduire Aurore grâce à sa délicatesse, son esprit et son goût pour les arts.

Les deux jeunes époux roulent le parfait amour mais cela ne va pas durer. Selon certaines rumeurs, une mystérieuse bête sauvage vit sur Nychorante. Et d'après Férona, la gouvernante des lieux, il s'agirait de Philippe lui même. Cette perfide femme finit par implanter le doute dans le cœur de la Belle. Pourquoi ne peut-elle jamais voir les traits de son mari même quand ils font l'amour ? Qui est la Créature exactement ?

Rongée par la curiosité, Aurore piège son époux lors d'une nuit de pleine lune. Il se passe alors quelque chose d'effrayant. Illico presto, Philippe se transforme en monstre abominable ressemblant à un dragon. Profondément touché par la trahison de sa femme, il la chasse de son royaume.

Bien qu'au départ terrifiée par la véritable apparence de celui qu'elle a épousé, Aurore ne souhaite pas vraiment rentrer chez elle. Peu après, elle comprend son erreur et décide de tout faire pour l'aider. Mais soigner le cœur meurtri et fier de son mari ne va pas s'avérer chose facile, surtout quand en plus la sorcière Férona s'en mêle avec ses pouvoirs diaboliques.

Comme vous pouvez le constater, ce roman suit l'histoire de La Belle et la Bête mais s'en détache également sur de nombreux points. Ici, Aurore ignore tout au début de la véritable nature de son mari. Ce dernier est maudit depuis sa naissance, ce n'est nullement à cause de son mauvais comportement comme dans la version de Disney. De plus, Férona n'existe pas dans les autres récits, c'est un personnage propre à Bernard Simonay.

Mais la plus grande différence réside dans le fait que l'histoire ne se passe pas à l'époque moderne (1453-1789) mais pendant l'Antiquité grecque, et sans doute plus précisément en des temps reculés comme la guerre de Troy. Cela nous amène à un point précis. Le méchant responsable de la malédiction qui a frappé Nychorante n'est pas une simple sorcière mais un véritable dieu ancien que ne connaissent pas les Grecs. Semblable aux habitudes de Zeus, il a voulu épouser la futur mère de Philippe 25 ans auparavant et, suite au refus de celle ci, a maudit son futur fils et toute l'ile.

La suite, on la connaît. Pour que le charme soit rompu, il faut que Philippe se fasse aimer sous son vrai visage par une belle femme. C'est ainsi qu'il a choisit Aurore. Mais Férona, agent du dieu maléfique, veille au grain pour éviter que cela se produise. Elle va même jusqu'à créer un véritable monstre pour tuer la Belle.

Il se dégage un côté tragique dans ce texte que n'ont pas toutes les œuvres sur le sujet. Philippe est une victime depuis sa naissance et même ses parents n'y sont pour rien. Cela ne les a pas empêché de se suicider peu après sa venue au monde et les calamités qui ont frappé Nychorante. Orphelin, il a donc été élevé par Arion, unique serviteur humain de son palais (les autres étant des créatures de lumière). Tout comme Aurore, on éprouve de la pitié pour lui. Mais pitié est-il synonyme d'amour ?

La plume de Bernard Simonay est très légère et agréable. Les chapitres sont courts (10 pages environ) mais sont tous concentrés sur une idée précise. L'auteur ne se perd pas en des tonnes de descriptions mais il en fournit cependant assez pour que l'on puisse facilement être transporté dans cet univers magique. Ce livre très abordable peut se lire d'une seule traite ou presque tellement les actions s'enchaînent bien.

Les péripéties sont nombreuses. Malheureusement, on y compte beaucoup de facilités scénaristiques. Nous ne sommes jamais surprit, les rebondissements sont tous prévisibles. En même temps, quand on adapte un conte, c'est un peu normal. A noter qu'il se dégage beaucoup de sensualité dans le texte. A plusieurs reprises, les personnages se retrouvent nus ou dans des poses lascives. Le lesbianisme est même approché puisque Férona se découvre bien malgré elle attirée par Aurore. Toutefois, rien d'explicite ne nous est montré.

Le Roman de la Belle et la Bête offre une nouvelle approche moderne de ce conte intemporel. S'attaquer à un mythe tel que celui ci nécessitait un certain cran. Bernard Simonay a réussit son pari. Bien sur, ce livre ne fait pas partit des classiques mais il peut être une très bonne distraction à l'occasion.

Note : 7/10